Pas un musée étrusque qui n'ait sa vitrine d'urnes villanoviennes !
Avec elles, nous voyageons cette fois dans la protohistoire étrusque (et italique), la culture villanovienne c'est-à-dire des confins des Xè- IXè jusqu'au VIIIè s.av.J.C., localisée dans trois grandes zones du territoire étrusque :
La plus dense, celle du littoral où se développeront les grands centres de CAERE, VEIES, TARQUINIA, VULCI, VETULONIA et POPULONIA.
La zone d'Emilie-Romagne avec les centres de BOLOGNE et de VERRUCCHIO
La zone méridionale de Campanie avec PONTECAGNANO, ARENOSOLA, CAPODI-FIUME, SALA CONSILINA et CAPOUE.
Le point de diffusion extrême côté adriatique étant la nécropole de FERMO (dans les Marches : Je donne ces délimitations sous toutes réserves...)
Les tombes de ce Premier Age du Fer sont rudimentaires, creusées dans le sol, dans des fosses carrées ou hexagonales aux parois dallées où l'on trouve, protégé et calé par des pierres, un récipient formé de deux cônes superposés, contenant les restes, les cendres du défunt car c'est l'incinération qui semble avoir été pratiquée plus dans le nord-ouest que dans le sud-est où l'on pratiquait l'inhumation.
Cette urne est le plus souvent en terre grossière, en impasto noirâtre avec une seule anse au milieu de la panse.
La décoration est incisée dans la pâte, en dessins géométriques très simples : lignes, méandres, frise dentelée, pointes, triangles, étoiles, croix, raies parallèles...
Notons que ces ornements ne couvrent jamais tout le vase mais se répartissent en deux zones distinctes : l'une au sommet, près du col et l'autre au milieu de la panse.
C'est sans doute un souvenir figuré des morceaux d'étoffe, des tresses de chanvre ou des cordons de laines multicolores qui garnissaient les urnes à l'origine pour les suspendre ou pour les orner. (cf.L'archéologie Etrusque et Romaine de Jules MARTHA)
L'urne est coiffée en général d'une sorte d'écuelle à anse en impasto ou porte certains attributs distinctifs : un casque guerrier par exemple ou se présente sous la forme d'une cabane.
Parfois même est joint un mobilier funéraire (voir ci-dessous celui trouvé dans la nécropole de la Guerruccia, au Musée Guarnacci, à Volterra, daté du VIIè s.av.J.C.).
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Voyez dans le second diaporama, deux urnes cinéraires-cabanes en impasto du début du IXè s. av.J.C. visibles au Museo Archeologico Nazionale de Florence, la première provient de la nécropole de Poggio Selciatella à Tarquinia, la seconde,de la nécropole de la Polledrara à Bisenzio.
Au centre, une urne biconique en impasto à décor gravé avec un couvercle en forme de casque. C'est un très bel ensemble daté du début du VIIIè s. av.J.C provenant de la nécropole de Selciatello di Sopra, visible encore au Musée de Florence.
Les deux dernières urnes-cabanes en impasto gris-rouge et aux cimes de toits élaborées sont datées de la même époque IXè-VIIIè s.av.J.C.
La première est visible à Rome (Villa Giulia) et provient de la nécropole de Madrione di Cavalupo à Vulci.
La seconde provient d'une tombe "à puits" de Vetulonia et se trouve au Musée de Florence.
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Les urnes-cabanes sont presque aussi nombreuses que les urnes biconiques ( on en voit une remarquable collection au musée de BOLOGNE) :
"Elles représentent une des premières et plus naïves expressions d'une croyance très ancienne qui persistera pendant toute la durée du monde antique, à savoir que tout ne finit pas pour l'homme avec la mort, que le corps, même réduit en cendres, continue sous la terre une ombre d'existence, que la tombe est une demeure, et qu'il faut lui donner la forme d'une maison." (J.MARTHA)
On constate aussi une sorte d'uniformité égalitariste dans cette première pratique d'incinération qui semble correspondre à une homogénéité culturelle de cette époque.
D'abord sans différenciation homme/femme, le mobilier funéraire se diversifie : on trouve plus tard, surtout au VIIIè s.av. JC., de petits rasoirs en arcs de cercle avec leurs manches, des armes miniatures (arcs, haches, épées, têtes de lances, pointes de flèches), des fibules, bracelets, boucles de ceinturon, mors de chevaux, grelots : tous objets plutôt masculins...
Avec les urnes destinées aux défuntes, on trouve des bracelets, des fibules, de petits cylindres de terre cuite en forme de bobines, de petits cônes qui devaient servir pour tendre les fils pendant le tissage (?), des colliers, des fuseaux et fusaïoles...
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Mobilier funéraire villanovien (petites bobines en impasto d'environ 4 ou 5 cm) provenant de Tarquinia. Musée de Florence.
La décoration des urnes biconiques va évoluer au fil du temps et offrir des variantes suivant la localisation des nécropoles villanoviennes. On le voit nettement avec cette urne du VIIè s. dont le couvercle présente une scène de banquet (funéraire)
Trouvée dans une tombe à puits près de Volterra, elle appartient à la période orientalisante par sa datation, mais se rattache encore à la tradition villanovienne par son style.
. Sur le couvercle,deux personnages autour d'une table à trois pieds. devant un grand cratère (pour le mélange du vin et de l'eau ). Un second cratère a disparu... (on en voit la base au premier plan). Si l'on veut aller plus loin dans le commentaire de cette représentation, il faut s'en remettre à M.Gilda Benedettini dans le catalogue de l'Exposition : Etrusques Un Hymne à la vie p 95 ) . Il est question d'un "défunt assis, assisté par une figure féminine debout sur une estrade ( ?), les bras écartés,un flabellum (éventail) à la main (mais il a disparu !). Le petit personnage à tête grotesque assis sur l'anse, évoque la sphère du rituel funèbre".
Cette scène est donc complexe à interpréter pour nous aujourd'hui et si les explications avancées par Benedetti nous font un peu progresser, qu'est-ce que "la sphère du rituel funèbre" ? Je reste très perplexe et toujours en attente d'un éclairage plus convainquant...
Le reste de l'urne présente une décoration de motifs géométriques en relief ( svastikas et méandres ).
Et voici un autre couvercle d'urne en impasto brun, plus simple, avec un couple ( vraiment très laid !). La photo n'est pas non plus très précise...
Couvercle d'urne cinéraire avec un couple de figures monstrueuses (début du VIIIè s.av.J.C.) provevant de Pontecagnano. Museo Nazionale dell'Agro Picentino. (H: 12,5 et diam. 16cm)
Les jambes et le cou sont très réduits, presque inexistants. La figure masculine porte une sorte de couvre-chef aplati au sommet avec un trou ( pour porter quoi ?).
La figure féminine a de longs cheveux sur les épaules rassemblés en tresse mince, maintenue sur la tête par un bandeau avec une frange sur le front...
Pour l'anecdote, il faut savoir que cette pièce, trouvée cassée à même la terre a été reconstituée avec patience...mais il manque une main à la figure de droite et un pied à celle de gauche ! (Pauvre chose ...)
Il est difficile, de face, de distinguer l'homme de la femme dans ce couple grotesque. Tous deux ont des têtes animales, affublées de groins porcins ! Et que dire des pieds sinon que ce sont plutôt des pattes... Est-ce une représentation satirique, caricaturale ou tout simplement primitive ? A moins que ce ne soit des extra-terrestres ! En tout cas, ce sont des monstres (pour l'éternité !)
Progressons dans le temps et vers d'autres spécificités de ces urnes : les urnes-canopes.
A SUIVRE