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A la recherche des Etrusques...
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Les Etrusques en Campanie : Les lébès de Capoue

Les Etrusques en Campanie : Les lébès de Capoue

               Il faut savoir que même si l'empreinte étrusque paraît moindre aujourd'hui en Campanie qu'en Toscane, les découvertes archéologiques des dernières décennies ont apporté un nouvel éclairage sur les cités qu'ils ont habitées. Strabon parlait même d'une dodécapole campanienne...

Des villes comme Capoue, Nola, Calatia, Suessula, Pontecagnano, Pompéi, Stabies, Nuceria et une certaine Marcina  (encore mal localisée) en auraient fait partie étant donné le nombre de terres cuites décoratives étrusques qu'elles ont révélées et celui des artéfacts contenus dans les nécropoles proches de ces cités. S'y ajoutent par ailleurs plus de 200 inscriptions étrusques trouvées en Campanie.

Au milieu du multilinguisme des communautés indigènes italiques, la langue étrusque restait celle des élites et semblait donc prédominer encore au VIè s. av. J.C. C'est ainsi qu'en 1934, l'archéologue Amadeo MAIURI qui se penchait précisément sur le problème de la présence étrusque en Campanie et sur sa  contribution aux origines de Pompéi, a dégagé en fouillant dans le secteur du temple d'Apollon, nombre de terres cuites architecturales ainsi que des fragments de bucchero portant des inscriptions étrusques.

Enfin, une pièce maîtresse, découverte à Capoue (Santa Maria di Capua), la fameuse tuile ou table portant une longue inscription de 62 lignes décrivant un calendrier rituel, témoigne de l'importance cultuelle et culturelle étrusque dans une des plus grandes cités campaniennes. 

(Voir dans l'article suivant)

     En matière d'artéfacts, on trouve donc du bucchero très fin (sottile), plus épais (pesante) et à partir du VIè siècle, une céramique à figures noires d'influence attique. Nombreux aussi sont les vases pour le service du vin mais les pièces prédominantes sont les lébès, plus spécifiquement campaniens.

Les lébès sont des récipients en forme de chaudrons, en métal ou en bronze, posés sur des  des trépieds. On y chauffait de l'eau ou des aliments et d'autres, les dinos, servaient à mélanger le vin et l'eau lors des symposiums. Ils ont parfois été utilisés aussi comme urnes funéraires...

 

Lébès Barone en bronze trouvé à Capoue (500-480 av. J.C.), H : 67.31 cm, British Museum.

 

Trois vues du couvercle et deux figurines d'amazones en bronze du Vè s. av. J.C du British Museum.
Trois vues du couvercle et deux figurines d'amazones en bronze du Vè s. av. J.C du British Museum.
Trois vues du couvercle et deux figurines d'amazones en bronze du Vè s. av. J.C du British Museum.
Trois vues du couvercle et deux figurines d'amazones en bronze du Vè s. av. J.C du British Museum.
Trois vues du couvercle et deux figurines d'amazones en bronze du Vè s. av. J.C du British Museum.

Trois vues du couvercle et deux figurines d'amazones en bronze du Vè s. av. J.C du British Museum.

Le lébès Barone (du nom de l'antiquaire qui l'aurait cédé au B.M. : Raffaele Barone) porte un couvercle décoré d'un motif central présentant un couple, une Ménade entraînée par un Silène (un rapt ou une danse ?) autour duquel font cercle quatre cavalières-amazones à courtes tuniques coiffées du bonnet phrygien (à pointe plus ou moins longue, d'origine ionienne) et tirant à l'arc vers l'arrière (posture scythe). On connaît d'autres figurines en bronze de ces amazones de même époque en Campanie (voir les 2 dernières photos).

         Sur la panse du lébès une frise gravée illustre des scènes sur lesquelles les spécialistes de la glose n'ont pas fini de spéculer... 

Relevé utilisé par J.P.Thuillier d'après Mon. Minervini pour commenter la frise gravée . 1976.

 

       Pour les trois premières lignes, on distingue, sur un fond arboré (bien étrusque), deux lions qui dévorent un bélier (?), une bête féroce au poil hérissé attaquant ce qui ressemble à un boeuf (?) , le même s'en prenant à un sanglier (?)..puis à un homme tombé à la renverse sur lequel se retourne le gardien du troupeau portant un petit arc, le tout précédé d'un chien qui regarde en arrière, le cou tendu, pour observer la scène...la suite de cette bande dessinée pleine de vie montre un lion haletant assis regardé par deux autres et une suite de trois animaux en fuite...

Mais de quoi s'agit-il ?

Est-ce simplement une courte scène narrative montrant l'attaque d'un troupeau par des fauves ?

Est-ce une interprétation fantaisiste étrusque d'un épisode mythologique grec narrant l'épopée d'Hercule récupérant le troupeau des boeufs de Geryon  volé par Cacus ? (cf. le commentaire de J.P. Thuillier dans Persée : La frise gravée du lébès Barone de Capoue, 1976 :

http://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1976_ant_27_1_1850# )

     Nous ne contesterons pas cette exégèse savante de la première partie de la frise animée mais je n'en retiendrai personnellement que les caractéristiques étrusques (la fantaisie, l'animation, les regards en arrière, le décor de fond ponctué d'arbrisseaux...).

Reprenons le commentaire pour les lignes suivantes :

Seconde partie de la frise gravée

 

             Des jeux étrusques avec un nouveau décor d'arrière plan signifié simplement par 3 colonnes doriques...

Une course de chars (6 biges) au grand galop, très animée et pleine d'humour : voyez les auriges des premier et avant-dernier char qui se retournent pour mesurer leur avance ! Notez qu'ils portent une coiffe ronde avec couvre-oreilles et un chiton court...L'aurige du dernier char montre un détail intéressant : ses rênes sont nouées autour de la taille, technique spécifiquement étrusque ! 

Les colonnes doriques symbolisent peut-être l'architecture du cirque (?) ou les limites de la spina centrale (?).

Une scène de pugilats et de luttes avec 3 couples d'adversaires, présidée à gauche par un arbitre tenant une courte baguette et une couronne à remettre au vainqueur...Au milieu, un joueur de double flûte anime le spectacle (qui ne peut se concevoir sans musique chez les Etrusques !)

Cette frise est une authentique bande dessinée pleine de fraîcheur que nous livre ce lébès campanien du VIè s. av. J.C. ...

Par comparaison, voici un autre lébès (ou dinos) de Capoue :

Dinos en bronze trouvé à Capoue (425-400 av J.C.) Musée national de Nuremberg. Photo Sailko, 2011.

 

       Le motif central du couvercle montre un discobole autour duquel quatre chevaux ailés font cercle. La présentation d'ensemble s'apparente à celle du lébès Barone mais l'influence grecque est manifeste..

 

 

Lébès de Capoue (urne cinéraire), 500 av. J.C.

Presque la même ornementation pour le couvercle de ce lébès: un personnage nu (un athlète) avec sa ronde d'amazones (deux sont de face et deux sont retournées, leurs arcs ont disparu...)). Décor en striures verticales( en arcs de méridiens) identiques sur la panse. On distingue à peine deux frises horizontales...

    Voici enfin un dernier lébès de Campanie du British Museum qui montre une alternance de quatre cavaliers à tête nue et casquée. Ces casques sont étrangement surmontés de cols de cygnes. Ils portent aussi des "shorts" inhabituels...

 Ces cavaliers scythes décochent ce qu'on appelle la "flèche du Parthe" propre aux nomades (feignant de fuir leurs ennemis, ils se tournaient en arrière à 180° et les atteignaient à coup sûr...). Ils portent aussi des "shorts" inhabituels...

 

Lebes en bronze du British Museum trouvé en Campanie