A la frontière septentrionale de l'Etrurie, cernant toute la vaste plaine padane, se trouvaient les VENETES, les RHETES, les LIGURES et les CELTES.
Nous avons déjà parlé de ce peuple d'origine indo-européenne, à travers nos articles sur l'art des Situles (janvier 2018)https://admin.over-blog.com/894807/write/89637615
D'après la légende relatée par Tite-live mais aussi par Virgile, Tacite, Justin ou Caton l'Ancien, les Vénètes seraient en fait des migrants troyens arrivés au nord de l'Adriatique sous la conduite d'ANTENOR (tout comme ENEE conduira les siens à Lavinium, futur site de Rome). ANTENOR serait donc le père fondateur des principales grandes villes padanes comme Venise, Padoue, Adria, Véronne, Aquilée, Este, etc.
Ils avaient un alphabet révélé par de nombreuses inscriptions découvertes (environ 250) sur tout leur territoire (le vénète n'a cependant rien à voir avec le vénitien...):
Les cités vénètes et les lieux de découvertes d'inscriptions (triangles) d'après AdolpheZavaroni
Il s'agit d'une tablette en bronze laminé (16,5x20 cm), un ex-voto en l'honneur de la déesse Reitia, présentant un alphabet vénète pour l'enseignement de l'écriture (il y en d'autres au Musée d'Este). C'est un syllabaire avec consonnes et voyelles a,e,i,u,o, comportant l'inscription votive et l'alphabet complet, de droite à gauche (dérivé de l'alphabet étrusque méridional du VIè s. av. J.C.).
Trouvée en 1880, à l'emplacement du sanctuaire de la principale divinité vénète REITIA (lieu-dit Fondo Baratela), elle a été étudiée ainsi qu'une vingtaine d'autres tablettes par Michel Lejeune en 1951-52 qui nous donne une remarquable leçon d'épigraphie dans un article de la revue Etudes anciennes (1953) :
Délimitation approximative du vénète vers 250 av. J.C.
Alphabet vénète d'après ZAVARONI avec variantes locales
Alphabet complet (Zavaroni)
Pour plus d'informations :
Michel LEJEUNE, Manuel de la langue vénète, Heidelberg, 1974
Sophie MAGNIN, Este ou la décadence d'un territoire, Etude d'inscription vénète, Paris-Sorbonne, 2010.
Sur une illustration figurant un peu plus haut à gauche, apparaît en silhouette un petit cavalier...C'est un bronze à patine verte qu'on peut voir au Museo Provinciale d'Arte de Trente.
Cette pièce faisait partie d'un groupe de figurines portant des inscriptions votives en alphabet étrusque du nord; elle fut découverte dans le village de Sanzeno près de Vérone.
Harmonieuse par la présence d'arrondis (crinière et queue du cheval, cimier du casque), elle offre cependant des anomalies (longueur du cheval, cavalier vu à la fois de face et de profil...).
Le guerrier casqué s'agrippe à la crinière de sa monture et tient une cravache tenue vers l'arrière; sur le socle, une inscription :
Karapasna/felipuviesia/lukuslepile (?)
On sait que les Vénètes étaient amateurs de chevaux et que le thème du guerrier à cheval était courant dans les arts vénète, rhète et celtique.
D'apparence assez grossière, l'orante en attitude de prière (jambes et bras écartés) est néanmoins un document ethnographique intéressant dans son habillement typique en usage attesté chez les Vénètes du Vè s. av. J.C. : hautes bottes pointues à rabats, robe brodée et evasée en cloche serrée par un ceinturon. Elle porte des bracelets et un collier à plusieurs rangs avec pendentifs.
Sa coiffure est complexe : haut chignon conique(en hachures serrées) et diadème semi-circulaire percé d'un trou. Le visage est aplati, à peine caractérisé.
Elle constitue un témoignage de dévotion et de ferveur religieuse des anciens vénètes.
Comme la figurine du guerrier à cheval, elle est "un produit vivant à forte saveur locale" (cf. Michèle Tombolani)