A PROPOS DES PICENIENS
Vraiment très particulier ce guerrier de Capestrano !
Jouxtant les Sabins à l'EST, par-delà les Apennins, vivaient les Picéniens (aujourd'hui la région des MARCHES). Les fouilles de leur territoire ont révélé de nombreuses nécropoles en bord d'Adriatique et dans les terres, réservant de belles surprises...
Aux VIIIè et VIIè s. av. J.C., le Picenum était surtout une région de passage et de transit de marchandises subissant les influences des civilisations voisines plus avancées : au nord celle de la plaine padane (atestine), à l'ouest, celles des Etrusques, des Ombriens; au sud, celles des Apuliens, Dauniens et surtout celle des Grecs arrivant par mer à l'est...
Ces influences hétérogènes expliquent la lente formation de la personnalité picénienne qui ne se manifestera que vers la fin du VIè s. av. J.C.
De nombreuses nécropoles :
Rapino (Chieti), Belmonte, Bellante, Alfedena, Fabriano, Novilara (Pesaro), Numana (Ancône), Campovalano et surtout Capestrano...contiennent beaucoup d'objets d'origine fort diverses : l'ambre du grand Nord, les ivoires d'Orient, les bronzes grecs et étrusques, la céramique attique...
Par exemple cette surprenante fibule à pendentif de Numana, de fantaisie et de créativité presque étrusques...
Remarquable ensemble décoratif figurant un combat de guerriers encadrant un seul bouclier à relief de sphinges affontées en symétrie, d'inspiration gréco-orientale...
Autre pièce décorative sophistiquée sur l'anse d'un vase précieux en bronze : même travail en symétrie autour d'un guerrier avec casque corinthien à haut cimier à cornes, cuirasse et cnémides, le tout en haut relief reposant sur une palmette de grande finesse; à l'arrière, près du col, deux lions et deux serpents en symétrie; vers l'avant, deux protomés de chevaux...
Ces deux oeuvres d'inspiration gréco-étrusque, proviennent de Pesaro, au nord d'Ancône (fin du VIè s. av. J.C.) Treia (Macerata)
A noter à même époque (VIè-Vè s. av. J.C.), l'hydrie grecque en bronze de Grächwil (en Suisse) dont le travail sur l'anse s'apparente à celui des vases précédents, autour d'une divinité féminine ailée (Artémis et l'aigle ?), avec symétries d'animaux...
Travail d'un artisan grec, laconien ou picénien, remontant vers la plaine padane via la côte adriatique : hypothèse avancée par Stéphane Verger (cf. Archéologie du couchant d'été, 2007)
Production beaucoup plus locale : ces têtes votives de Picéniens qui sont vraiment typées !
Sanctuaire de Carsoli , l'Aquila (IIIè s. av. J.C.) au Musée National de CHIETI : Musée archéologique national des Abbruzes contenant les productions des anciennes populations de toute la région...
Les quatre illustrations : photos dans les Etrusques et l'Italie avant Rome de R.B. Bandinelli, 1973 (avec ajouts de coloration)
La plus importante pièce que l'art picénien marque de son empreinte (quand il n'est plus sous influence) est la statue du guerrier de Campestrano, la plus célèbre de celles trouvées en Italie centrale.
C'est une statue monumentale (2,50 m) en calcaire, peinte en partie, qui surplombait la tombe d'un chef dans la nécropole de Campestrano (en territoire VESTIN) : une statue funéraire donc ...La tête porte un curieux couvre-chef circulaire de parade; le visage est couvert d'un masque à oreillons; des lances sont gravées dans les piliers qui soutiennent les aisselles; les mains croisées sur son torse tiennent une épée; le cou porte un collier et des bracelets ornent ses bras; un baudrier soutient deux sortes d'anneaux ou de disques (?) de face et dans le dos; des jambières de protection et des sandales.
Ce qui frappe, de face et de dos, c'est la morphologie presque féminine du corps à partir de la taille ...
Est-ce le défunt lui-même dont on a soutenu le corps mort ? (interprétation quelque peu morbide !)
Quoi qu'il en soit, ce grand guerrier androgyne qui nous interpelle reste énigmatique d'autant que l'inscription qu'il porte (en langue sud-picène) n'a toujours pas été déchiffrée... (depuis 1934 ! -date de sa découverte...)
Il est une des pièces les plus caractéristiques, les plus originales de l'art picénien à son apogée.