En effet, cette sépulture intacte fera sensation à son ouverture en avril 1910 : elle avait échappé aux tombaroli ! (Tout comme celle découverte par Regolini-Galassi en 1836 dans la nécropole du Sorbo dont les bijoux en or, la vaisselle d'argent, les plaques d'ivoire avaient été déposés près de la mystérieuse LARTHIA...)
voir le plan ci-dessus :
Tombe en 2 parties : celle des Chenets et celle des Jarres (dans le fond)
Une tombe où, là encore, reposait une riche défunte (non identifiée) si l'on en croit la nature du mobilier funéraire trouvé dans les deux premières pièces latérales : ornements d'or, petits vases proto-corinthiens à huiles parfumées, figurines égyptiennes, pyxides, nombreux balsamaires et aryballes : objets qui témoignent de rituels particuliers, raffinés, surtout féminins mais aussi, (dans la pièce de gauche) d'ustensiles de cuisine propres à la préparation d'un banquet funèbre : couteaux, broches de fer, chaudrons en bronze, chenets de fer, vases vinaires...Banquet en l'honneur de la défunte mais aussi des ancêtres.
Les deux autres pièces du fond (dans l'axe du couloir d'accès) ont été renommées tombe des "Jarres" ( des Doli) parce qu'on y avait regroupé de grandes amphores à vin de fabrication locale (90 cm de hauteur) ou alimentaires et des vases corinthiens des VIè et VIIè s. av. J.C.
Il nous faut revenir sur l'ensemble du mobilier funéraire très particulier de cette tombe orientalisante, trouvée au début du XXè siècle par Raniero Mengarelli, fort chanceux d'entrer dans une tombe qui n'avait pas été pillée mais qui n'a pas pu pour autant identifier la riche famille de ses propriétaires ...(quelle déception !)
L'étude et l'exploitation du mobilier funéraire
Il a fallu bien du temps à Mengarelli et à ses successeurs pour analyser le contenu exceptionnel des fouilles...(pas d'urgence pour les archéologues !)
La tombe est vide aujourd'hui et tous les artéfacts ont été dispersés dans les musées où ils ont été analysés (Musée Cérétain, Villa Giulia) :
Pourrions-nous en avoir un petit aperçu ?
Il faut se fier aux constats des spécialistes (et passer beaucoup de temps à lire leurs rapports et leurs parutions) puisqu'ils ont eu accès aux découvertes déposées dans les chambres latérales de l'entrée : Mengarelli, Ricci, Gran Aymerich...
D'abord Mengarelli, premier à constater que dans la petite chambre de gauche, il n'y avait "aucun lit ni banquette ni urne funéraire"...donc aucune "déposition" conclura par la suite J. Gran Aymerich...
Un grand nombre de petits vases (aryballes, alabastres...)étaient encore accrochés aux murs : ils auront peut-être servi à des cérémonies extérieures, vu l'abondance des vases à vin.
Près de la porte était regroupé tout un matériel culinaire pour découper la viande (couteaux en fer), un chaudron pour la faire bouillir, cinq broches et un chenet en fer pour la rôtir...; tout un service pour un repas funéraire lors d'agapes rituelles et cultuelles avec participation symbolique des défunts (?)
La présence d'un brasero et d'un trépied :
Pour réchauffer les convives pendant les banquets ?
Pour brûler des substances odorantes destinées au culte des ancêtres par les membres de la famille (?)
Ce sont là des témoignages rituels complexes, difficiles à interpréter.
Faisant suite à ces témoignages précieux, la Tombe des Chenets se caractérise aussi par un autre intérêt primordial : la diversité et la richesse du matériel archéologique attestant les rituels parfumés qui passionnent aujourd'hui la recherche internationale (et italo-française au Louvre); des analyses biomoléculaires sont menées sur les contenus des vases à onguents.
D'après certaines publications de spécialistes qui ont analysé les récipients de la tombe des Chenets, déposés à la Villa Giulia (Rome), on peut se faire une idée de leurs formes, de leur contenus et comprendre la raison de leur présence dans le mobilier funéraire...
Suivent 4 colonnes(modifiées)provenant de l'étude collective que Dominique Frère, Nicolas Garnier, Laurent Hugot ont mise en ligne en 2018 :
"La chambre des Chenets de Cerveteri. Les rituels parfumés d'après les analyses chimiques des contenus " (consulter le PDF en complément pour les contenus )
Extraits du PDF :
Aperçu de l'incroyable variété de formes et de décorations ...(Ne nous perdons pas ! 😉)
Première colonne ci-dessus en haut à gauche :
Balsamaires en stéatite proche-oriental et 2 égyptiens
Deuxième colonne ci-dessus en haut au centre :
Aryballes : 2 piriformes à décor subgéométrique et 1ovoïde
Troisième colonne ci-dessus, à droite :
Encore 3 aryballes, ovoïdes : 1 à décor subgéométrique et 2 à figures noires
Quatrième et dernière colonne ici, à gauche :
2 Alabastres ou albâtres à fond plat et à panse.
Aryballe piriforme.
QUELQUES REMARQUES :
Ne nous étonnons pas de la présence d'objets exotiques dans cette tombe orientalisante de prestige réservée à l'élite locale de Cerveteri : ce sont d'abord des marqueurs du haut rang de ses propriétaires mais aussi des indicateurs de l'ouverture des Etrusques de cette époque aux autres cultures de la Méditerranée (Phénicie, Grèce, Egypte, Proche-Orient, Corse, Sardaigne, Celtes, Ibères...). Voici par exemple un autre balsamaire égyptien qui s'apparente aux deux petits vases à parfum de l'inventaire précédent :
Balsamaire en faïence provenant de Cerveteri (VIIè s. av. J.C.) Exposition 2008 aux Musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles.
Femme agenouillée tenant entre ses mains une grande jarre dont le couvercle est surmonté d'une petite grenouille à gueule ouverte servant de verseur; le col du vase est un tube évasé en forme de fleur de papyrus.
H : 10,2 cm (Karine Casal dans Les Etrusques et la Méditerranée, Louvre-Lens 2013-2014)
Pas de conclusion !
Il y aura encore beaucoup trop à dire sur cette tombe des Chenets qui n'a pas livré le nom de ses fondateurs mais qui apporte un éclairage nouveau sur les rituels consacrés à honorer les défunts et les ancêtres des familles de "principes"cérétains.
Un inventaire impressionnant de vaisselle et de vases à parfum nous est ici présenté qui, après analyses, permet d'imaginer les senteurs de viandes braisées ou d'huiles grasses provenant des fumigations et des libations des repas funèbres des vivants soucieux d'en faire profiter les morts révérés de leur famille ... Un véritable témoignage sur les rites alimentaires et les parfums pratiqués dans ce lieu et à cette époque.
Nous suivrons toutes les publications complémentaires de spécialistes qui voudront bien partager leurs connaissances...
A BIENTÔT !