Une kalpis de Vulci

Cette journée pluvieuse de début mai peine à nous sortir d'un hiver officiellement confiné alors que les belles promesses de liberté nous narguent à l'horizon...

Réchauffons-nous en rêvant devant une scène fraîche et gracieuse offerte par la séduisante iconographie de l'art grec importé en Etrurie...Pour une fois, l'interprétation en est limpide...

Belle image douce et apaisante, bienfaisante même...Voilà qui nous change un peu des habituelles séquences mythologiques souvent peu faciles à décrypter !

Le support :

Kalpis attique à figures rouges, en argile rosée, à surface rouge orangée (Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire)

Dimensions : H. et diamètre 38,8 et 39,6 cm.

Provenance : VULCI (Ancienne collection Ravenstein)

Datation : 510-500 av. JC. (période orientalisante)

Les deux illustrations : Catalogue "Hommes et Dieux de la Grèce antique" (Expo. Europalia 82, Bruxelles)

Rappelons que VULCI était une importante cité étrusque du Latium, à 12 km de la mer avec un fort trafic maritime et commercial gréco-oriental; vases et artéfacts de toute nature ont été retrouvés dans les somptueux tombeaux de ses nombreuses nécropoles, dispersés aujourd'hui dans les musées européens, certaines capitales mondiales ou bien celés par des collectionneurs particuliers.

La scène qui nous occupe figure sur l'épaule du vase : une kalpis (une variante de l'hydrie utilisée au quotidien par les femmes pour puiser l'eau des puits), comportant deux anses latérales pour le transport et une troisième à l'arrière pour verser...

Le décor se limite à un tableau "en berceau" ( heureusement ou habilement adapté à la courbure de l'épaule du vase) encadré en haut d'une bande de grains de grenade, en bas d'une zone d'oves et latéralement, de grecques verticales.

En dessous du tableau, une large frise d'élégantes palmettes cernent diamétralement la panse du vase.

Notons le soin apporté à la composition d'ensemble et la précision des détails anatomiques (contour incisé des cheveux, position des mains aux doigts déliés...). La peinture est délayée en rose pâle pour le rendu des chairs sur un fond sombre....

Deux couples, composés d'un éphèbe et d'une courtisane nue (une hétaïre) sont installés sur un matelas brodé; entre eux, dans le champ, est suspendu un étui à flûte (non, non, ce ne sont pas des masques !).

Peu distincts malgré les rehauts en rouge, des inscriptions en grec précisent les noms des personnages : à gauche, Egilla, agenouillée et ouvrant les bras vers son compagnon Polylaos, couronné de feuilles de vignes et accoudé sur un coussin à rayures.

A droite, les deux partenaires sont étroitement enlacés; la jeune Sékliné*, vue de dos, est allongée dans les bras de Kléokratès; elle est coiffée d'un bandeau, comme Egilla...

*Il se trouve que Sékliné apparaît aussi sur un vase du peintre EUPHRONIOS...Les hétaïres (compagnes, amies et plus si affinités...) étaient de rang plus élevé que les simples courtisanes; elles étaient souvent invitées aux banquets alors que les femmes athéniennes libres vivaient recluses dans leurs gynécées. On connaît la notoriété de Phryné (qui inspira le sculpteur Praxitèle et modèle de l'Aphrodite de Cnide), de la très riche Rhodôpis de Naucratis (égyptienne qui a sa dédicace à Delphes), d'Aspasie ou de Théodoté que connurent Périclès, Sophocle, Phidias, Socrate, Alcibiade...Bref, l'Histoire de l'art n'a pas retenu les noms des épouses de ces hommes célèbres mais nous permet de connaître ceux de leurs escorteuses !

Les voici en action sur différents supports:

1 ) Sur le fond d'une kylix (coupe à vin) celle-ci joue au kottabe : jeu d'adresse - atteindre une cible avec le reste d'une coupe à vin...

2 ) Couple : mise à feu...(oenochoé attique)

3 ) Visite aux hétaïres : "Au bon accueil ! " '( kylix attique)

Mais revenons à notre premier décor, celui de la kalpis de Vulci peint par DIKAINOS, l'un des peintres pionniers de la figure rouge auxquels appartenait Euphronios qui fut son maître ...Ces derniers en effet, reproduisaient le plus souvent des scènes d'amour très réalistes comme celles qui figurent sur bon nombre de coupes attiques (scènes tumultueuses, orgiaques et sans retenue...). Bien au contraire, Dikainos montre ici sa capacité à créer des attitudes originales, des échanges moins convenus où l'émotion et la tendresse importent plus que la vivacité du désir en action; la délicatesse de l'enlacement un peu timide des deux couples témoigne d'un érotisme qui reste discret...

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