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A la recherche des Etrusques...
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Les sarcophages étrusques (1)

Les sarcophages étrusques (1)

Les sarcophages étrusques (1)

Photo d'un des sarcophages restitué à l'Italie.( parue dans La Tribune de Genève)

      Commençons par l'excellente nouvelle de ce début d'année 2016 qui nous apprend que la Suisse a restitué à l'Italie deux sarcophages en terre cuite, volés à l'issue d'anciennes fouilles illicites en Ombrie et dans la Latium : ils provenaient du Royaume-Uni et séjournaient depuis une quinzaine d'années aux Ports-Francs de Genève...(voir pour le détail, l'article de ce blog du 15 janvier 2016 dans La Tribune de Genève).

En attendant qu'ils soient étudiés ( et là, il nous faudra être patients !), parlons des sarcophages et des urnes funéraires déjà bien connus...

           Mais d'abord pour avoir une idée de la richesse et de la variété des sarcophages étrusques, il faut visiter l'impressionnante collection d'urnes en terre cuite et en albâtre du Musée Guarnacci à Volterra. Il y en plus de 600 ! Et pour les chercheurs spécialisés, c'est une manne qu'ils n'ont pas fini d'exploiter et d'interpréter. Le remarquable travail de Françoise-Hélène PAIRAULT (CNRS) est impressionnant :

Recherches sur quelques séries d'urnes de Volterra à représentations mythologiques dans Publications de l'Ecole française de Rome. Année 72. Volume 12

L'ouvrage.est en ligne sur Persée :

http://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1972_mon_12_1

           Il s'agit d'une étude sur les bas-reliefs des cuves (et non des couvercles). Les illustrations apparaissent seulement dans le CATALOGUE.( à la fin de cette très longue mais riche étude).

En France, nous avons la chance d'avoir une des plus belles réalisations de sarcophage en terre cuite : le Sarcophage des Epoux au Musée du Louvre, appartenant à la collection Campana. Tout aussi célèbre, l'autre exemplaire, au Musée de la Villa Giulia à Rome.

Un autre exemplaire au British Museum de Londres, assez surprenant, a longtemps été controversé.

Nous verrons qu'il existe d'autres sarcophages d'époux moins connus...

Les trois principaux Sarcophages des Epoux.

Tout d'abord celui du Musée du Louvre :

Sarcophage du Louvre. Cerveteri (VIè s.av.J.C.) L.1.90, H.1.14.( Phot. U.D.F. La Photothèque)

Sarcophage du Louvre. Cerveteri (VIè s.av.J.C.) L.1.90, H.1.14.( Phot. U.D.F. La Photothèque)

Cette grande urne funéraire en terre cuite anciennement polychrome fut trouvée en 1845 par le Marquis Campana à Caere-Cerveteri dans la nécropole de la Banditaccia. Elle contenait les cendres ou les restes de ce couple émouvant.

Elle vient précisément d'être restaurée dans les ateliers du Louvre-Lens en octobre 2013.

Atelier de restauration du Louvre-Lens. 2013.( Photo de Jérémy-Günther-Heins Jähnnick)

Atelier de restauration du Louvre-Lens. 2013.( Photo de Jérémy-Günther-Heins Jähnnick)

Le couple repose sur un lit dans la position de banqueteurs, usage courant en Grèce et en Orient. Mais ici, la femme est aux côtés de son époux (privilège étrusque). Tous deux allongés, le coude appuyé sur des coussins en forme d'outre pour le partage du vin suivant le rituel. L'épouse verse quelques gouttes de parfum dans la main de son mari (autre rituel). Elle tenait dans la main gauche une grenade, symbole d'immortalité.

Le style de cette oeuvre du VIè s.av.J.C, est d'influence ionienne (Grèce de l'Est) : visages souriants, formes pleines, raffinement des parures, des tissus, des chevelures...

Pour une analyse plus fine : Marie-Françoise Briguet,( CNRS) Le Sarcophage des époux du Musée du Louvre. Paris. 1988. Editions des musées nationaux.

Lors de son acquisition en 1862, le sarcophage a été exposé au musée Napoléon III du palais de l'Industrie :

L'ILLUSTRATION de mai 1862 présente le sarcophage exposé au musée Napoléon III du palais de l'Industrie

L'ILLUSTRATION de mai 1862 présente le sarcophage exposé au musée Napoléon III du palais de l'Industrie

Le Sarcophage des Epoux à la Villa Giulia de Rome:

Le sarcophage des Epoux à Rome. Villa Giulia.

Le sarcophage des Epoux à Rome. Villa Giulia.

Pour l'anecdote, voici l'oeuvre telle qu'elle apparaît avant restauration, photographiée dans l'ouvrage de LOUKOMSKI, L'Art Etrusque, Edit. Duchartre, Paris, 1930 (PL.47)

Le couple en bustes vers 1930. LOUKOMSKI, L'Art Etrusque, Edit. Duchartre, Paris, 1930 (PL.47)

Le couple en bustes vers 1930. LOUKOMSKI, L'Art Etrusque, Edit. Duchartre, Paris, 1930 (PL.47)

               Trouvé aussi dans la nécropole de la Banditaccia à Cerveteri, il est presque identique à celui du Louvre.( Les restaurations ne sont évidemment pas les mêmes, Le "matelas" de la kline du Louvre est à rayures sombres (provenant sans doute d'un plissé)

Les couples sont saisis dans la même attitude, l'époux passant le bras droit autour de son épouse (geste de tendresse qu'on ne trouve pas dans les sculptures grecques).

Les époux ont les cheveux nattés. L'homme est pieds nus mais la femme porte les calcei repandi (chaussures à bouts recourbés et pointus).

Cette oeuvre raffinée de coroplastie était certainement réservée à une classe aristocratique mais on n'en connaît pas l'artisan..

Pour l'anecdote encore, voici la description de ce sarcophage de la Villa Giulia dans Le sourire étrusque de JOSE LUIS SAMPEDRO, page 13-14 (Editions Métailié, Paris, 2012).

    "La femme, appuyée sur le coude gauche, les cheveux retenus en deux tresses qui lui tombent sur la poitrine, arrondit délicatement la main pour l'approcher de ses lèvres pulpeuses. Derrière elle, l'homme, pareillement appuyé, barbe en pointe sous une bouche de faune, entoure de son bras droit la taille féminine. Sur les deux corps, le ton rougeâtre de l'argile cherche à révéler le tréfonds sanguin invulnérable au passage des siècles. Et sous les yeux étirés, bridés à l'orientale, fleurit sur les visages un même sourire indescriptible : sage et énigmatique, serein et voluptueux."

Lire aussi en PDF dans Academia.edu. Le langage du couple grec. Lecture de quelques inscriptions de Michela Costanzi.

En décembre 2014 à Amiens, Journées d'études internationales : "Autour des Sarcophages des Epoux".

Le Sarcophage des Epoux du British Museum :

Sarcophage des Epoux du British Museum. Collection Castellani.
Sarcophage des Epoux du British Museum. Collection Castellani.

Sarcophage des Epoux du British Museum. Collection Castellani.

Voilà une pièce vraiment exceptionnelle à bien des points de vue !

    Tout d'abord par la rareté de ses déplacements en expositions : ce sarcophage est très peu connu du grand public.

Par ailleurs, son existence apparaît parfaitement "improbable", aussi bien dans la position déconcertante des époux l'un par rapport à l'autre : la désinvolture de leur intimité sur un couvercle d'urne, que dans la maladresse de certaines proportions (jambe de l'épouse !).

La nudité de l'époux étonne aussi quelque peu ...

La décoration des panneaux frontal et arrière est très chargée. A l'avant, un affrontement guerrier entouré de nombreux personnages.

A l'arrière, un banquet avec un couple dont les serviteurs s'activent auprès de multiples ustensiles de service.

Des sphynges d'inspiration hittite ou assyrienne soutiennent la cuve.

Enfin elle a été, dès son apparition, très controversée.

      Il faut dire pourtant que cette pièce est originale, ou du moins intéressante, surtout quand on sait qu'elle a été considérée comme un faux !

Cette urne funéraire fut exposée au British Museum jusqu'en 1930. Mais voici que des spécialistes annoncent que c'était un "faux", soit une reconstitution des frères Enrico et Pietro Pinnelli, faite au XIXè siècle ....

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Bien peu d'informations ont été fournies depuis par les milieux officiels...J'ai pourtant trouvé un article du Lewiston Daily Sun daté du 2 janvier 1936. que j'ai traduit (sous toute réserve)

Suivez bien car c'est une véritable enquête policière !

Titre de l'article : " Des experts s'attaquent à un faux du British Museum "

Titre de l'article : " Des experts s'attaquent à un faux du British Museum "

  " Londres. Ce qui a été pendant bien des années une des pièces principales et une des plus populaires attractions dans les expositions d'art grec et romain du British Museum de Londres vient d'être reconnue comme un faux et les administrateurs viennent d'ordonner à contrecoeur son enlèvement.

Il s'agit du sarcophage de Cerveteri.

Il a été vendu en plusieurs pièces à Castellani, le fameux collectionneur  d'art romain qui l'a obtenu de Pietro Pennelli, ce dernier assurant l'avoir trouvé dans une fouille à Cerveteri.

Les fragments ont été achetés avec le reste de la collection Castellani par le B.M. en 1873.

     En mars 1874, l'épigraphiste Fabretti a décrété que l'nscription sur le couvercle était un faux étrusque, précisant qu'une autre inscription sur une broche du musée du Louvre en était la source. Ses arguments furent cependant considérés comme peu convaincants aussi bien par Castellani que par Sir Charles Newton alors conservateur du département.

Lors d'un visite à Paris en 1875, Newton s'aperçut qu'Enrico Pennelli, un restaurateur du Louvre et le frère de Pietro, s'était vanté d'avoir fabriqué le sarcophage et que Pietro l'avait ensuite brisé en plusieurs pièces qu'il avait enterrées pour qu'elles aient l'apparence d'artéfacts antiques puis vendues à Castellani. 

Sir Charles mit aussitôt Paris et Rome au courant de l'affaire. Les autorités du Louvre reconnurent qu'is avaient des doutes sur l'authenticité du sarcophage mais Pietro Pennelli défendit son frère avec véhémence. Castellani affirma que l'hypothèse d'un faux était impossible sur le plan technique.

Sommé de fournir des preuves de ce qu'il avançait, Enrico Penneli répondit évasivement :

" J'ai tout d'abord douté de l'authenticité du sarcophage mais quand j'ai vu que des experts renommés comme Castellani, Newton, Fouardent considéraient l'histoire comme possible, j'ai mis un terme à mes doutes."

Finalement Pietro Pennelli vint à paris et menaça d'intenter un procès en justice.

Enrico s'est alors rétracté avouant qu'il avait répandu cette rumeur pour nuire à son frère Pietro. Sur ce, les esprits se sont calmés et l'affaire parut être enterrée, mais en 1879, Newton avait encore fait quelques vaines tentatives pour retrouver le lieu exact de la découverte des fragments à Cerveteri. 

En 1883, Enrico soutint à nouveau qu'il avait fabriqué le sarcophage...

Un lourd dossier de correspondance sur cette affaire a été conservé pendant plus de quarante ans par le musée.

Des experts peu convaincus. 

On a dit que, outre le B.M., l'authenticité de cette pièce a  toujours été douteuse et que de nos jours, aucun expert n'y croyait plus vraiment.

Les inscriptions sont généralement reconnues comme fausses, non seulement celles sur le couvercle venant de la broche du Louvre, mais encore celles  sur le coffre qui seraient une mauvaise copie d'une autre inscription du Louvre.

L'habileté technique que révèle l'expression des personnages a amené bon nombre d'autorités,qui contestent pourtant la véracité de l'inscription, à couper court à toute hypothèse d'un travail moderne.

Il faut rappeler pourtant qu' Enrico Penneli qui a travaillé bon nombre d'années avec Count Campana avant d'intégrer les services du Louvre, avait une parfaite connaissance des techniques artisanales de l'Antiquité.

Sur les deux exemplaires authentiques existants, celui du musée du Louvre et l'autre de la Villa Giulia à Rome, les deux personnages sont en position de banqueteurs sur leur couche que constitue le couvercle.

S'agissant de l'exemplaire considéré comme un faux, ils s'adonnent à une conversation à grands renforts de gestes.

Le coffre a des panneaux seulement sur deux côtés.

La nudité de l'homme.

Le style et l'ornementation n'ont pas la même qualité; la nudité de l'homme est parfaitement incongrue pour une pièce de cette nature; les vêtements de la femme sont anachroniques presque dans chaque détail; enfin la composition est dépourvue de sens. 

Les scènes principalement reproduites sur les peintures des vases attiques sont datées  d'environ 560 av.J.C.; or, les personnages du couvercle sont plus tardifs. Elles révèlent aussi un certain nombre d'anomalies; par exemple la scène du banquet montre des ustensiles de toutes périodes allant du VIIè au Vè s.av.J.C. (...). 

Les caractéristiques du style archaïque sont amplifiées alors que la sensibilité exprimée par la scène est totalement moderne.

En dépit des doutes accrus des autorités et des anachronismes manifestes, les administrateurs du B.M n'ont pas pu, à l'époque, se résoudre à rejeter une oeuvre qui leur avait coûté si cher et qui rivalisait avec les autres sarcophages connus.

Ils doivent maintenant se rendre à une indéniable évidence.

 

Fin de la traduction. ( Les mots et passages en gras, la couleur de police sont de mon fait.)

 

 

Donc ce sarcophage des Epoux du B.M est un faux (CQFD). Il n'en a pas moins encore été la vedette de l'exposition sur les Etrusques à Pointe-à-Callière en 2012, au musée d'Archéologie et d'Histoire de Montréal où la conservatrice, Mme Francine Lelièvre, a réussi à le faire venir. Bel exploit quand on sait qu'il quittait le B.M pour la première fois !

 

 

ET SI CE FAUX ETAIT UN VRAI  ? ( Il faut bien rire !)

 

 

 

 

 

.. 

 

 

 

Un autre sarcophage d'époux, plus modeste, au Musée de Pérouse :

Sarcophage d'époux souriants...Musée Archéologique de Pérouse.

La photographie n'est pas très nette, mais on distingue tout de même le ravissant bonnet de l'époux !

Le bas relief de la cuve présente traditionnellement une scène mythologique.

Bien d'autres sarcophages attendent impatiemment d'être décrits...