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A la recherche des Etrusques...
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Danses et musiques sacrées et profanes (2)

Danses et musiques sacrées et profanes (2)

Beau relief de Chiusi ( Vè s. av. J.C.) : Un aulète accompagne des danseurs.

Beau relief de Chiusi ( Vè s. av. J.C.) : Un aulète accompagne des danseurs.

          Faisant suite à l'article précédent du 11 novembre 2018, voici d'autres aspects de ces deux arts tant prisés des Etrusques : leur présence dans les rites sacrificiels et dans la danse guerrière.

Le rituel des sacrifices

         D'une façon générale, les musiciens et les danseurs étaient requis dans les manifestations religieuses accompagnant les rituels qui leur étaient associés et l'on trouve souvent des aulètes représentés près des autels sacrificiels. Les sacrifices d'animaux (le plus souvent substituts de sacrifices humains) étaient destinés depuis la plus haute antiquité aux dieux qu'on voulait honorer ou remercier ou dont on voulait obtenir la protection (en prévision d'une intervention militaire par exemple).

          Il n'existe aucune trace écrite décrivant le rituel du sacrifice; seule l'iconographie apporte quelques réponses.

   Sur une amphore de Capoue en Campanie, un aulète (son aulos est en rehauts blancs) joue devant un autel allumé face à la divinité qui est honorée :

 

Amphore de Capoue (Vè s. av. J.C.)

 

        Le plus souvent, les principaux intervenants sont présents : le prêtre ou sacrificateur, les musiciens (un aulète et parfois un citharède), la victime (un bouc, une chèvre, une biche...) devant l'autel allumé.

         L'aulète est encore présent même si la victime est humaine, si l'on en croit la représentation de ce sacrifice sur la cuve d'un  sarcophage de Torre San Severo :

    L'aulète est en haut à droite...

Cuve d'urne cinéraire à relief illustrant le sacrifice d'Iphigénie (Pérouse IIè s. av. J.C.)

 

 

 

 

                          

Miroir de Palestrina (Relevé graphique), Florence, VIè s. av. J.C.

 

 

 

                     Il est présent aussi sur ce miroir où se prépare le sacrifice d'un capridé réticent face à l'autel allumé...

 

 

 

Les trois dernières illustrations : cf. Chanter les dieux. Article de J.R. Jannot : La musique dans les rituels étrusques, PUF de Rennes, 2001

La danse guerrière

      La danse en armes existait depuis l'époque protovillanovienne et se perpétuera chez les Romains avec  la danse des Saliens : les exécutants entrechoquaient leurs boucliers "ils chantaient des hymnes accompagnés de bonds rythmiques et de danses rituelles". Elle existait sans doute dans toute l'Italie. En Grèce, les danses pyrrhiques montraient des simulacres de combats, dansés au son de la flûte. 

     Une fresque de la tombe des Biges à Tarquinia montre justement un petit soldat casqué, armé d'un bouclier et d'une lance au fût torsadé, derrière des athlètes intervenant dans des jeux sportifs funéraires...(il est vrai qu'on le devine plus qu'on ne le voit vraiment vu la dégradation de la peinture). Danse-t-il vraiment ?

Fresque de la paroi gauche de la tombe des Biges à Tarquinia, Vè s. av. J.C.

Ce serait peut-être un de ces ludions mimant une danse guerrière...

Sinon, il n'est pas facile d'interpréter la présence de ce personnage en armes dans un tel contexte.

       En 1955, l'étruscologue Raymond Bloch a mené des fouilles au sud du lac de Bolsena dans la nécropole de la Capriola et dans une tombe villanovienne du VIII è s. av. J.C., il a découvert parmi des artefacts un bouclier d'une taille inhabituelle...Il démontre que celui-ci était trop petit  pour être utilisé dans un vrai combat et ne pouvait servir seulement "qu'à la parade, à la gesticulation, à la danse guerrière". Les gesticulations de guerriers correspondaient à leur danse au cours de laquelle ils brandissaient leurs lances tout en frappant leurs boucliers. En quelque sorte, ils "mimaient" la guerre. Cette danse était destinée, grâce aux sons violents, cliquetis et fracas du métal entrechoqué, à faire fuir les mauvais esprits, à impressionner d'éventuels ennemis par sa puissance magique.

cf. Article de R. Bloch : Une tombe villanovienne près de Bolsena et la danse guerrière dans l'Italie primitive. 1958.

https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-4874_1958_num_70_1_7425.

Le petit bouclier en bronze à échancrures de la tombe de Bolsena (VIIIè s.av. J.C.)
Dessin du bouclier de Bolsena

 

   Le bouclier trouvé par R. Bloch, constitué d'une simple plaque en bronze à renfort plat en guise d'umbo au centre, est légèrement ovale avec deux échancrures; ses deux axes mesurent 335 et 305 mm; il est donc vraiment de petite taille par rapport aux boucliers villanoviens habituels qui avoisinent les cinquante centimètres et assurent une certaine protection... Il reposait à côté des restes d'un guerrier parmi d'autres artéfacts en céramique, en fer et en bronze dont un vase en bronze dont il ne reste que quelques pièces...

    Il se trouve justement qu'un vase biconique, le vase (ou une situle) en bronze de Bisenzio est du même type que celui qui devait reposer au pied de ce guerrier étendu; ce vase était aussi en bronze laminé mais très endommagé, il n'en reste plus que les poignées et les clous de rivetage...   ils sont contemporains d'ailleurs... 

 

Le vase en bronze de Bisenzio (VIIIè s. av. J.C.) Villa Giulia, Rome.

 

 

       A défaut de pouvoir décrire le vase en bronze de la tombe de Bolsena trop détérioré, contentons-nous d'observer le décor de son homologue : le vase de Bisenzio, ville qui se trouve d'ailleurs en face de Bolsena, (de l'autre côté du lac ).

  Des figurines assez primitives de guerriers nus, armés, à la coiffure plate dansent en gesticulant et en brandissant de petits boucliers ronds (non échancrés). Ils dansent autour d'un animal enchaîné, imposant mais mal identifié. Il s'agirait donc d'une danse magique pour la chasse plutôt que pour la guerre. On peut tout de même la comparer à la danse des Saliens (prêtres danseurs) des villes proches comme Albe, Lavinium, Tusculum, Aragni et chez les peuplades italiques voisines du Latium.  

 

     La danse étrusque pouvait donc avoir de multiples fonctions et revêtir de multiples aspects. Nous sommes loin d'avoir épuiser le sujet...