Certains aspects de la musique et de la danse en dehors de l'iconographie funéraire pariétale méritent notre attention.
Dans ce premier article , voyons d'abord la danse bachique ou dionysiaque.
La danse étrusque est à l'origine sacrée mais vers le milieu du IVè s. av. J.C. apparaît la danse dite bachique, en relation avec Bacchus, le dieu romain de la vigne et du vin (le Fufluns étrusque) correspondant au Dionysos grec et l'on parle alors de danse dionysiaque. Religieuse et sacrée, elle peut donc être aussi profane et même franchement païenne...
Sur lune amphore étrusque du musée du Louvre, on observe sur la panse une suite de danseurs un bras et une jambe levés. ce sont des ménades et des satyres nus à queue de cheval et au sexe dressé qui exécutent une de ces danses bachiques où s'exalte clairement l'énergie vitale.
Rappelons que Dionysos est le dieu de la vigne, du vin, de la folie et de la démesure...
Ménades et satyres sont des sortes de personnifications des forces de la nature et se retrouvent entraînés dans l'orbite de Dionysos; dans l'iconographie de la céramique, ils font partie de son cortège.
Les satyres aux pattes velues de bouc ont des sabots et une queue de cheval; ils sont nus, tandis que les ménades portent un chiton brodé...mais elles ne sont pas plus sages pour autant !
Une autre amphore à figures noires nous montre un défilé de satyres...
Six petits satyres (qui ressemblent curieusement à des lémuriens !) défilent en dansant gracieusement dans un décor végétal.
Bras levés, pieds fourchus, queues chevalines et sexes dressés...
La coupe attique des vendanges dionysiaques trouvée à Vulci.
Ménades et satyres ityphalliques (sexes dressés) et couronnés de lierre sont occupés à la récolte sous le regard de Dionysos. Monté sur un char, il regarde les musiciens jouant des crotales et de l'aulos.
Le kylix du peintre de Brygos
Le fond de coupe finement décoré montre des satyres agitant des crotales et évoluant autour d'un musicien central qui gratte sa lyre dans un décor de branches et de feuilles de vigne; mais qui est donc ce personnage vêtu d'un élégant himation et d'un chiton finement plissé ?
La barbe curieusement dressée presque à la verticale semble chercher l'inspiration...Elle est le seul détail masculin de la silhouette par ailleurs très féminine (finesse des bras, des mains, des pieds...) Serait-ce vraiment Dionysos ?
Notez que les satyres (ou silènes) portent une peau de panthère nouée autour des épaules par les pattes...(voir la peau de panthère sur l'âne monté par Dionysos dans l'illustration suivante...)
Cette illustration fantaisiste de Contes et Légendes a au moins le mérite de rappeler les emblèmes de Dionysos et de son thiase (cortège dansant); il est ici monté sur un âne et tient un thyrse et une coupe. Des satyres tiennent des grappes de raisins, une torche, une corne, une flûte de Pan; des ménades musiciennes jouent des cymbales, du tambourin et de l'aulos.
La panthère en laisse et les peaux de panthère sur les épaules des satyres et des ménades sont souvent présents dans l'iconographie dionysiaque (voir l'illustration précédente...); la panthère compte en effet parmi les emblèmes de Dionysos.
Remarquons enfin qu'interviennent ici dans le thiase les instruments à percussion à côté des instruments à vent.
On trouve aussi des danses bachiques dans la peinture funéraire : Dans la tombe des Lionnes à Tarquinia
Ce culte orgiaque en l'honneur du dieu du vin dont on perçoit même dans l'iconographie funéraire étrusque certaines manifestations, certains symboles, donnera lieu par la suite chez les Romains à certains débordements difficilement contrôlables (voir le scandale des Bacchanales en 186 av. J.C.). L"orgie" signifie en fait "possession par le dieu" aboutissant dans ses excès à une frénésie sexuelle.
La danse orgiastique montre des danseurs et surtout des danseuses dans un état de transe caractéristique; elles entament une danse effrénée et font subir à leur corps des mouvements violents produisant une véritable frénésie : elles se cambrent et renversent leur tête en arrière. Elles sont possédées par Dionysos (Bacchus ou Fufluns), en proie au délire...
Elle renverse la tête en arrière...
Un document sonore peut compléter cette présentation...
Film You Tube (environ 10 minutes...)
On retrouve enfin dans certaines décorations architecturales de temples (antéfixes) des couples de danseurs simulant la course des satyres et des ménades dans le "ballet de l'Enlèvement" :
Dans cette chorégraphie, les danseurs avancent enlacés à petits pas puis le satyre entreprend de soulever la ménade; il l'agrippe par la taille et dans une dernière figure (qui n'apparaît pas ici), il la place sur une de ses épaules et l'enlève...
En tout cas, dans les quatre phases présentées, la ménade n'est pas enlevée; elle paraît même consentir à cette danse à petits pas parallèles qui participe de l'orgie des mystères de Dionysos.
Ajoutons que le thème de l'enlèvement avait une faveur croissante au Vè s. av.J.C., grâce aux idées religieuses bachiques (ce n'est pas un oxymore !) : il est un motif décoratif courant sur les acrotères couronnant un temple...( en donner les raisons nous entraînerait trop loin...).
Enfin s'agit-il vraiment d'une danse profane ? L'affreux satyre "raptor" et la ménade appartiennent au thiase de Dionysos, n'est-ce donc pas aussi une danse en l'honneur d'un dieu ? Une danse religieuse par conséquent.
Il faut avouer que la limite entre la danse sacrée (religieuse) et la danse profane (dionysiaque) est bien incertaine, difficile à saisir...C'est encore une des multiples contradictions de la spécificité étrusque.
On voit défiler ci dessus trois illustrations : (clic sur l'encadrement noir)
Deux antéfixes (décorations sur le toit des temples étrusques) en terre cuite de satyre (ou de silène) et de ménade du Musée Grégorien du Vatican en provenance de Cerveteri (IVè s. av. J.C.)
Autre antéfixe de silène : sculpture de Tor Varianica (près de Lavinium) : une tête de Silène décoré de grappes de raisins
Ce couple que nous pourrions qualifier de "satanique", (en païens que nous sommes !) semble avoir eu beaucoup de succès chez les Etrusques, "les plus religieux des hommes" !
A SUIVRE